Oeuvres

Les bergers d’Arcadie ou Et in Arcadia Ego (circa 1640) – Musée du Louvre

Musée du Louvre, aile Richelieu, 2e étage, salle 14

Huile sur toile, 85 x 121 cm

Les Bergers d'Arcadie, vers 1640, dit aussi Et In Arcadia Ego - Musée du Louvre
Les Bergers d’Arcadie ou Et In Arcadia Ego, Louvre

Poussin traite ce thème à deux reprises ; il s’agit ici de la seconde version, plus austère, qui relate toujours la découverte par des bergers, en pleine nature, d’un tombeau sur lequel est gravé l’épitaphe Et in Arcadia Ego, sujette à de nombreuses interprétations, selon qu’on prête ces mots à la Mort, au mort dans le tombeau, à la Beauté…

Une commande et une histoire incertaines

La commande du tableau et son histoire avant 1685, date de son entrée dans les collections de Louis XIV, demeurent encore incertaines.

Le tableau aurait été inspiré, selon Bellori, par le cardinal Rospigliosi, futur Clément IX. On ignore si Rospigliosi en fut le commanditaire mais il aurait au moins suggéré à Poussin « l’idée d’une réflexion sur la mort, sur le tombeau et sur le temps »¹.

L’oeuvre aurait par la suite appartenu à Henri Avice, ingénieur militaire², avant d’entrer dans les collections de Louis XIV.

Une datation discutée

La date de cette seconde version des Bergers d’Arcadie a été discutée, mais on considère aujourd’hui que le tableau a été réalisé autour de 1640. Pierre Rosenberg écrit dans le catalogue de l’exposition de 1994³ : « L’accord semble aujourd’hui fait pour la considérer comme réalisée peu avant le départ pour Paris en 1640, vers 1638. La comparaison avec le Moïse Sauvé des Eaux de 1638, la monumentalité des figures disposées comme autant de sculptures, la conception du paysage, l’esprit même du tableau, tout porte à accepter sans réserve cette date, en tous cas à refuser toute datation postérieure au retour de Rome. »

Ci-dessous un détail de l’oeuvre :

Les Bergers d'Arcadie du Louvre - détail

De nombreuses interprétations

L’oeuvre a été décrite par Bellori sous le titre « La Félicité sujette à la Mort » :

« La troisième poésie morale est dédiée à la mémoire de la Mort au milieu de la prospérité humaine. Il a feint un pasteur de l’heureuse Arcadie, lequel, un genou ployé à terre, montre et lit l’inscription d’un tombeau, en laquelle ces mots sont inscrits : et in Arcadia ego. Ainsi un tombeau se trouve-t-il même en Arcadie, et la mort vient-elle au milieu de la félicité. Voici derrière un jeune homme enguirlandé qui s’appuie à ce tombeau et regarde, attentif et méditant, et un autre, en face, s’incline et montre les paroles écrites à une belle Nymphe légèrement parée, qui tient la main sur son épaule, et regarde et suspend son rire, s’abandonnant à la pensée de la mort. »

Pour Théophile Gaultier (1811-1872), le tableau des Bergers d’Arcadie du Louvre exprime avec une naïveté mélancolique la brièveté de la vie et réveille, parmi les jeunes pâtres et la jeune fille qui regardent le tombeau rencontré dans la campagne, l’idée oubliée de la mort.

L’oeuvre a depuis fait l’objet de nombreuses analyses. Erwin Panofsky, fasciné par le thème de l’Arcadie, a notamment publié un essai sur le tableau en 1936, repris en 1957 sous l’intitulé « Et in Arcadia ego : Poussin et la tradition élégiaque ».

Notes
1. Et in Arcadia Ego de Jean-Louis Vieillard-Baron page 15
2. Le dessin ou la couleur ? Une exposition de peinture sous le règne de Louis XIV, note ao pages 145-146
3. Catalogue de l’exposition de 1994, de Pierre Rosenberg et Jean-Louis Prat, pages 51, 284

22 réflexions au sujet de « Les bergers d’Arcadie ou Et in Arcadia Ego (circa 1640) – Musée du Louvre »

  1. Très intéressant.
    Personnellement j’aimerais que soit un plus développée l’idée du corps du Christ dans ce tombeau
    Le rapport avec Rennes de Château

  2. It is well established that the site of the old stone tomb Poussin used in the painting (and probable had erected), is at the small hamlet of Pontils just off the D 613 Road to Arques in the Aude Region of France; it is known locally as, ‘The Tomb of Arques’, or, ‘Poussin’s Tomb’. When one stands on the Road Bridge at Pontils looking across the ravine at the old Tomb site (Tomb now destroyed) one is facing south. Even in Poussin’s day shadows did not fall on the north face of the edifice. Were that possible the shadow is still not true. From the projection of the shadow it should follow that the second shepherd’s shadow of his forearm and hand should be pointing at the third shepherd’s knee. Instead, both the 2nd shepherd’s finger and its shadow are ‘touching’ the shadow of his forehead … as is the finger of the third shepherd. Furthermore, the 3rd Shepherd is drawing the viewer’s attention to this. The secret is in the shadow.
    A letter written by the Abbe Louis Fouquet to his brother Nicolas Fouquet, who was Superintendent of Finances to King Louis X1V of France, relates how he (the Abbe), in discussing the painting with Poussin, was told that. ‘Not even Kings would draw the secret from him (Poussin) and that it was possible no one will ever discover that secret’. And, that it was of great value. The king acquired the painting, locked it away and imprisoned his Superintendent … If only the King had know.
    Geoffrey

  3. Bonjour,
    Je pense qu’il ne faut pas chercher si compliqué que ça dans la compréhension de ce tableau. L’Arcadie était une région peuplée de bergers et connue pour sa vie paisible et son côté un peu utopique. Nicolas Poussin n’aurait-il tout simplement pas voulu représenter la mort avec son tombeau et en indiquant sur ce dernier « et in arcadia ego » qui aurait pour sens « même en Arcadie j’existe » ? Et ainsi peindre l’idée que l’Arcadie n’était pas si utopique que ça ?

  4. ==bergers d arcadie== ce qui me choque dans ce tableau c’est le bras du berger à gauche sur le tombeau ; question est-ce une position normale ? Merci

    1. C’est surtout la main qui est importante et qui rend la position du bras plus plausible : cette main a des écarts entre les doigts qui permettent d’y « fixer » deux bâtons » pour constituer le signe « racine carrée » avec celui qu’il tient à gauche, voir mes blogs…

  5. Bonsoir, merci pour cet article, une question me taraude : n’est-il pas vrai que ce tableau prend pour paysages les ruines des environs de Rennes-le-Chateau, dont une tour qui subsisterait de l’ancien royaume wisigothique, à Arc, village alentour et pour cela les bergerzs d’Arcadie. Par ailleurs, l’inscription atteste-elle de la présence du corps du Christ en ce lieu ?

    1. je n’ai pas la réponse mais ce sujet m’intrigue beaucoup. Il me semble fort probable que lors de leur venue en Gaulle, la « sainte famille » ait fait suivre le corps du Christ qui avait été caché dans une grotte.

    2. Soit, le donjon d’Arques date du moyen-âge (fin XIII°) et avait une fonction bien précise, et l’Hébergé d’Arques a dit : « ET IN ARCADIA EGO » citation inscrite, ces 14 lettres qui sonnent comme un chemin de croix en-vers et contre tout…
      Peut-être ce tableau contient-il la vair-ité sur le masque de fer, en haut à droite du tableau et du grand rocque en commODe à trois tiroirs : un coucou, la Mer Noire, les Gémeaux, quel Sinop-sis vert en dévers !

    3. Bonjour,
      il est utile de s’intéresser à Bérenger Saunière.
      une recherche approfondie mettra en exergue votre curiosité.
      il a fait une découverte que même Hitler érudit d’histoire a cherché sans réellement en savoir le contenu.
      bien à vous…

    4. On peut l’imaginer si l’on interprète la phrase en la découpant : ET IN ARCA DIA EGO. Et dans ce cercueil, Dieu je suis. ARCA signifiant cercueil en latin et DIA, dieu en celte, un langage tout à fait inspiré dans cette région aux nombreuses traces celtiques, chères à l’abbé Boudet.

  6. Bonsoir,
    Je pense qu’il conviendrait d’arrêter cette vaste plaisanterie sur tout ce qui se dit d’absurde sur les Bergers d’Arcadie Version 2 de Poussin.
    Ce tableau est en fait très lié à celui de La Joconde et reprend nombre d’éléments du ciel de Dürer.
    Il est le plus complet sur le plus grand mystère de l’Occident ! Voir mes blogs…

  7. Bonjour,
    Voici deux questions s’il vous plait,
    – Sur l’année de création [« autour de 1640 »]. +/- combien, 2, 4,…,10 ans ? Pouvez-vous développer les arguments formant le « On considère » ?

    – Avant l’entrée dans la collection de Louis XIV plus d’une quarantaine d’année se sont écoulées depuis la création de ce tableau. Connait-on sur cette période la « vie » du tableau, ses divers possesseurs en particulier ou les mains par lesquelles il a transité ?

    Merci par avance pour vos réponses.

    1. Bonjour Pierre,
      Merci pour vos questions pertinentes, auxquelles j’ai tenté de répondre en complétant la présentation du tableau, avec plusieurs références.
      À bientôt

    1. Bonjour,
      est-il exact qu’il pourrait exister une controverse sur la date du 2ème tableau des Bergers d’Arcadie?
      merci de votrre réponse

      1. Bonjour Pierre,
        La date de la seconde version des Bergers d’Arcadie a en effet été discutée :
        • 1638-1639 pour Grautoff
        • Peu avant 1640 pour Mérot et Rosenberg
        • Vers 1640 pour Batschmann et Mahon
        • Début 1640 ou fin 1642 pour Friedlaender
        • Vers 1650-1655 pour Blunt
        On considère aujourd’hui que le tableau a été réalisé autour de 1640.

        1. J’opterais pour celle de Frielander. En hommage à G Friedlingstein La pierre de la Paix) et la Forge de Lourmarin, éteinte en 1983. Roger la Belle enclume. J’écris sur Agora.VOX. Mélusine7

          1. Corrigé, J’opterais pour celle de Friedlander. En hommage à G Friedlingstein (La pierre de la Paix) et la Forge de Lourmarin, éteinte en 1983. Roger la Belle enclume. J’écris sur Agora.VOX. Mélusine7 Arcturius, je vous suis depuis longtemps. J’ai entamé un roman en 2003. Ecriture automatique (voir chez Nabum) et dans l’histoire, il y est question d’Arcadie, de phare en Normandie, de cité d’YS,..actuellement je reprends le fil de l’histoire étoffé de nombreuses lectures (dont: KANTOROWICZ,…)

        2. Le prince si pâle est qu’il fut réalisé après la naissance de Louis XIV (Sept 1638) dont il célèbre l’avènement au travers de ce tableau, voire plus pour l’événement en cas de gémellité…

  8. Je souhaite faire une copie de ce tableau (les bergers d’arcadie) mais je ne trouve pas de poster suffisamment précis. Est il possible d’avoir une photo numérique me permettant d’étudier ce tableau dans les détails et avec les couleurs exactes ?
    Qu’elles sont les formats autorisés en matière de copie ?
    Si je me rend au Louvre, est-il permis de prendre des photos du tableau ?
    Merci de me répondre.

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